Je me suis formé en travaillant « sur le motif » comme disait Cézanne; dans une tradition de peinture française. Je continue régulièrement à travailler d’après nature.

Planter son chevalet au milieu d’un paysage et chercher, par la peinture, à établir un rapport sinon harmonieux du moins apaisé avec le monde a toujours été pour moi une source de grandes joies.

Petit à petit je me suis éloigné de la représentation et de la narration. On oppose souvent peinture abstraite et peinture figurative mais cette opposition n’a pas de sens. Un Prélude de Chopin ne représente rien, pourtant il ne viendrait à l’idée de personne de le classer parmi les oeuvres abstraites tant son pouvoir d’évocation est fort.

C’est la gravure qui me permet depuis quelques années de poursuivre cette émancipation par rapport aux images au profit d’une expression plus directement picturale, plus « musicale ».

Je travaille à partir des tracés laissés par des insectes et des vers xylophages sur les faces intérieures de certaines écorces.

J’ai été frappé par le travail de ces graveurs invisibles qui, mus par une volonté aveugle, cheminent et tracent dans l’obscurité de la matière des dessins mystérieux et abstraits au pouvoir évocateur si puissant. Peut-on dire que ce sont des artistes ? Evidemment non.

Pourtant je ressens une connivence, une sorte de familiarité avec ces dessinateurs involontaires. Leurs tracés sont-ils des signes, des symboles, des écritures, des figures, des cartographies, des textures?

Sans réponse, la question ouvre sur des rêveries multiples qui se laissent guider par ces minuscules et insignes animaux.